Parce qu’une relation thérapeutique s’engage à deux

L’alliance thérapeutique…

Celles et ceux qui songent à entreprendre un travail avec un psychologue sont généralement amenés à fonder leur choix sur des éléments d’information somme toute fort restreints. Par ailleurs, au cours de la thérapie, les patients livreront nombre d’éléments personnels.

Il me semble donc justifié de donner, de mon côté, des informations me concernant afin d’éclairer ce choix mais aussi d’atténuer le malaise que peut occasionner l’idée d’une relation asymétrique (en forçant le trait : un patient supposé ignorant quant à son “mal” face à un thérapeute supposé savant et silencieux)…

Avant d’ouvrir mon premier cabinet dans la Drôme, j’ai travaillé dans des contextes très différents, tant en milieu hospitalier (psychiatrie adulte et infanto-juvénile, traitement des brûlés, hôpital de jour pour enfants) que social (maison d’enfants).

Au-delà de ce parcours, quelques choix fondateurs, tant professionnels que personnels sont majeurs à mes yeux et peuvent sans doute éclairer ma pratique :

    • Une orientation ethnopsychiatrique qui m’a permis de “rencontrer” une méthodologie fondée sur des valeurs que j’avais auparavant ressenties comme impératives : indépendance d’esprit, honnêteté intellectuelle et ouverture au monde.Cette approche se traduit par le rejet de tout dogmatisme, c’est-à-dire l’affirmation d’un esprit critique par rapport aux concepts qui constituent un “outil de travail” et doivent le rester. A mes yeux en effet, l’honnêteté intellectuelle en psychologie consiste avant tout en le strict respect des faits cliniques, devant lesquels la théorie à laquelle on se réfère doit le cas échéant s’incliner et non l’inverse…

 

    • Une ouverture au monde qui se traduit, dans mon quotidien professionnel, par une curiosité pour les pratiques thérapeutiques “alternatives”, qu’elles appartiennent à d’autres temps ou à d’autres lieux.
      C’est en ce sens que j’ai choisi d’effectuer, dans le cadre de l’université Paris VIII, une recherche universitaire sur le magnétisme comme dispositif de soin.
      Plus généralement, cette ouverture au monde (aux mondes ?), c’est aussi la conviction que le thérapeute doit explorer le monde du patient et travailler de là en adaptant son cadre thérapeutique, et non à faire allégeance à des théories ou à des concepts qui peuvent n’être pas pertinents.
      C’est, je le crois, à ce prix que peut s’engager une réelle alliance thérapeutique visant à une “co-construction du sens”.

 

    • Un passé de cadre dans le monde de l’entreprise qui m’a ouvert les yeux sur les spécificités de cet environnement et sur les paradoxes auxquels sont confrontés les salariés…

 

    • La poésie et la littérature (une formation initiale de “dix-huitiémiste”) qui, par la place qu’elles occupent dans ma vie en laisseront plus entendre sur ma manière d’exercer que de longs discours…

 

Quelques prises de position :

Dans un souci de transparence, il me semble une nécessité éthique de résumer quelques postulats auxquels ma pratique s’articule :

    • La conviction que nous aurions identifié de grandes lois universelles applicables au champ psychique ressortit, selon moi, à la croyance. Ou du moins à une croyance qui ne possède pas une valeur supérieure à n’importe quelle autre croyance… En d’autres termes, je préfère considérer toute modélisation du fonctionnement psychique comme une hypothèse de travail – et non comme une description du réel – qui doit pouvoir être à un moment contredite par les faits et renouvelée. En ce sens, tous les discours qui, d’une part, entretiennent la confusion entre ces deux niveaux (spéculation/description) et, d’autre part, occultent que toute théorie est façonnée et limitée par son contexte de production me semblent suspects de manque de rigueur.

 

    • Dans la même logique, la «neutralité» supposée du thérapeute me paraît illusoire.
      Quel que soit son degré de compétence, il reste lui aussi «informé» (au sens littéral du terme : modifié) par son époque, sa culture, son histoire, sa religion, mais aussi par son sexe, son âge, son origine sociale etc. L’agir du thérapeute renvoie donc à la manière dont il a été lui-même «produit» ; et ce qu’il appelle «neutralité» désigne en réalité son incapacité à admettre le caractère contingent de la théorie qu’il a choisie. C’est souvent dans ce contexte de prétendue «neutralité» que l’on observe une tendance du praticien à interpréter nombre d’expériences humaines singulières (foi religieuse, voyance, homosexualité etc.) en termes de dysfonctionnement quand ce n’est pas de psychopathologie.

 

    • L’identification d’une “étiopathogénie” (c’est-à-dire de l’origine supposée des troubles) n’entraîne pas mécaniquement un résultat thérapeutique. Autrement dit, on peut identifier la cause de son mal… sans aller mieux pour autant. En ce sens, la psychothérapie, telle que je la conçois, consiste moins à découvrir un “sens caché” à partir d’une théorie prétenduement avérée, mais bien à ce que le thérapeute et le patient co-construisent le sens à mettre sur ce qui advient ou est advenu.

 

    • L’asymétrie du dispositif thérapeutique risque de faire perdurer un traumatisme, voire pour certains patients, de le répéter. J’entends comme « asymétrique » un dispositif qui positionne le thérapeute comme seul détenteur légitime du savoir, et le patient comme contraint de se rallier à sa théorie. En ce sens, je propose un dispositif d’entretien dynamique, intégrant largement l’échange entre le patient et le psychologue. Ainsi le praticien assure t-il une fonction d’écoute, en même temps qu’il représente une force de proposition : à lui d’attirer l’attention du patient sur de nouvelles hypothèses, sur de nouvelles pistes, que celui-ci choisira d’explorer ou non.

 

    • Enfin, je ne fais pas partie des thérapeutes qui imposent à leur patient de suspendre un traitement avant d’entreprendre un travail sur lui-même. En effet, bien que, d’une part, je considère que la surconsommation de psychotropes dans les pays dits “développés” – et notamment la France – constitue une question grave en termes de santé publique, et que, d’autre part, ma propre sensibilité m’ait conduite vers la parole, je respecte infiniment le travail des médecins y compris dans sa dimension “chimiothérapique”, dès lors qu’elle est justifiée et pertinente. En effet, certains patients associés à certaines situations légitiment pleinement une prise de médicaments, transitoire ou non. Il me semble donc judicieux de rechercher une complémentarité, lorsque le bénéfice semble probable, entre des approches qui ne se réfèrent pas au même corpus théorique (psychologique/médicale).