LES T.C.A.

Les troubles du comportement alimentaire : comment en venir à bout ?

Ils sont divers, que ce soit dans l’excès, (gloutonnerie, hyperphagie, potomanie, dipsomanie, boulimie), dans le défaut (anoréxies) ou dans l’aberration (mérycisme, Pica, coprophagie, bizarreries alimentaires).

L’anoréxie

Nous n’évoquerons ici que l’anorexie et la boulimie, sachant que les accès de boulimie alternent possiblement avec des épisodes d’anorexie (on parle alors de « boulimarexie »), mais non nécessairement.

L’anorexie recouvre une restriction alimentaire conduisant à un amaigrissement visible (nié ou vécu dans une parfaite indifférence) associé à un surinvestissement intellectuel et moteur, à un désinvestissement de la sexualité et à une aménorrhée (chez le sujet féminin) ou à des troubles de la libido et de l’érection (chez le sujet masculin).
Elle peut être primaire, mais aussi souvent secondaire, entendez « secondaire à une autre pathologie psychique déjà présente » (névrose, dépression sévère, phase maniaque du trouble bipolaire, schizophrénie etc.)

Mentale ou somatique ?

L’anorexie fait partie des pathologies psychiques pour lesquelles il est indispensable de s’assurer qu’un bilan a été effectué par le médecin. Il importe en effet de faire la différence entre une anorexie d’origine organique (possiblement liée à un dysfonctionnement hormonal, à une tuberculose, à une tumeur, etc.) et une anorexie mentale.
Ensuite seulement pourront être abordés en thérapie l’histoire du sujet avec une attention toute particulière pour la question de l’image du corps, de la sexualité, de la relation à l’autre, mais aussi du défi, du contrôle…

La boulimie

La « boulimie », (étymologiquement « faim de bœuf »), c’est le besoin soudain et irrépressible, dans un moment d’anxiété ou de  vide , de « se remplir » d’aliments, parfois très caloriques, et en quantités importantes.
Les fringales sont fréquemment assouvies en secret avec un plaisir auquel succède rapidement un mal-être corporel (douleurs gastro-intestinales), une intense culpabilité et un mépris de soi d’avoir « cédé une fois de plus ».

Boulimie et sur-poids ?

L’épisode se clôt souvent par un endormissement, par des vomissements provoqués et tenus secrets, ou même par la prise de laxatifs supposés, comme les vomissements, « annuler » l’épisode boulimique. De ce fait, la boulimie ne se signale pas nécessairement par de l’obésité. A noter que comme pour l’anorexie,il arrive qu’une aménorrhée ou une irrégularité du cycle soit présente chez la femme boulimique.

La boulimie pouvant parfois jouer le rôle d’un équivalent dépressif, le psychologue clinicien sera attentif à rechercher une possible composante dépressive et/ou anxieuse et à repérer la présence éventuelle de traits obsessionnels.
Une fois le diagnostic posé, la déculpabilisation du patient est un préalable au travail sur le sentiment d’identité et sur la question de la carence narcissique. Enfin, il peut être fructueux d’associer à la psychothérapie d’autres techniques thérapeutiques (technique comportementale, thérapie de groupe, psychodrame, sophrologie, relaxation…).

 

LES ADDICTIONS

L’invincible besoin…

On parle d’addiction lorsqu’un sujet ne peut résister à la survenue répétée d’un comportement, et que celle-ci est précédée d’une tension croissante que seul le passage à l’acte soulage (sur le moment).
Notons qu’en cas d’impossibilité de s’adonner au comportement, le sujet ressent une anxiété pénible. Cet envahissement donne lieu à des tentatives répétées pour contrôler, réduire ou abandonner le comportement, mais en vain.

Pas toujours de “substance pharmacologique”…

Si la caractéristique pharmacologique de certaines substances (alcool, drogues, tabac…) joue un rôle reconnu dans la survenue d’une dépendance, on peut repérer des mécanismes identiques dans des addictions « sans substances (jeu pathologique, fièvre acheteuse, cyberdépendance, boulimie mais aussi parfois travail, sport, sexualité etc.) : il est donc plausible d’isoler certains invariants dans les personnalités sujettes aux addictions.

Une assise identitaire fragilisée (en termes d’autonomie psychique et/ou d’estime de soi) et d’un traumatisme désorganisateur survenu précocement ou non mais en lien avec la question de la séparation ou de la carence affective.
Le tout-petit ayant échoué à intérioriser le lien à la mère absente, toute absence est désormais vécue comme une perte. Un imaginaire qui s’appauvrit, une vulnérabilité à l’ennui et à l’anxiété, une relation compliquée à autrui, oscillant entre dépendance et évitement caractérisent ces profils.

Une angoisse débordante conduit alors le sujet à mettre en place une relation à un objet à la fois source de stimulation et de satisfaction immédiate (les sensations ont remplacé les émotions) et, croit-il, maîtrisable. L’objet de l’addiction (alcool, aliment, toxique notamment) permet au sujet d’exprimer sa toute-puissance dans une relation fusionnelle. Mais cette auto-suffisance s’avère rapidement illusoire car la sensation de manque replonge le sujet dans la dépendance à autrui qu’il croyait avoir ainsi vaincue.

Le principe de « tolérance » (besoin d’augmenter l’intensité ou la fréquence pour maintenir l’effet attendu) conduit fréquemment la personnalité addictive à présente à subir plusieurs dépendances, concomitantes ou successives.

Une pathologie rarement isolée

L’addiction peut se « greffer » sur tout type de personnalité en termes de nosographie psychopathologique (histrionique, passive-dépendante, obsessionnelle, évitante, borderline, antisociale…) et les liens avec d’autres troubles psychiques sont fréquents et complexes.

Une « réponse » à une autre pathologie : pour exemple, l’alcool comme les psychotropes ou tout type de médicament voire de comportement addictif peuvent en effet jouer le rôle d’objet contraphobique dans une lutte contre une névrose d’angoisse.
Elle peut également être inconsciemment investie par le sujet d’une valeur conjuratoire face à la menace dépressive résultant d’une fragilité narcissique. Ils représentent alors le mode de résolution « magique » des problèmes narcissiques et relationnels (avec ce qu’ils comportent de risque de frustration, d’abandon).

Le symptôme d’une pathologie non encore décompensée (dépression, schizophrénie etc.)

Un retour vers l’autonomie

L’enjeu en thérapie consiste à « rejouer » la relation à la mère pour permettre l’intériorisation progressive du lien, condition nécessaire pour parvenir à renoncer à l’illusion d’auto-suffisance et accéder enfin à l’autonomie.

LES RELATIONS DE COUPLE

Avec ou sans l’autre ?

Désamour, indifférence, incommunicabilité, mésentente, jalousie, adultère, violence… Les plaintes des patients se révèlent diverses mais s’accompagnent d’un réel désarroi quand ce n’est pas d’un véritable effondrement psychique, comme si l’harmonie du couple conditionnait l’épanouissement individuel.

De la psychologie à la philosophie…

Philosophique autant que psychologique, la question ne se résume t-elle pas in fine à une claire conscience de la relation Moi-Autre dans un apprentissage (douloureux) de la « bonne distance » ?

Effectivement, on rejoindra sans nul doute Martin Buber selon qui « L’homme devient un Je au contact du Tu (…) Devenant Je, l’individu peut alors se rapporter au Cela du monde » .

L’Autre du couple se résume t-il à n’importe quel Autre ? Ce serait éluder la tyrannie du Désir, alors même que nos sociétés modernes ont délaissé le mariage arrangé par les familles (en vue de constructions à moyen ou long terme, patrimoniales ou politiques) au profit du mariage d’amour…

Et si l’on définit, avec N. Grimaldi, le désir comme « l’attente d’une satisfaction qui comblerait celui qui l’éprouve » et que l’on veut bien se souvenir qu’ Eros se nourrit de l’inaccessibilité de l’aimé(e), quel est le sens d’un « mariage d’amour » ?

Monogamies successives …Voilà donc chacun(e) face à l’aporie suivante : faire coïncider passion éphémère et pérennité de l’engagement, sachant que le second terme annule, par nature, plus ou moins rapidement le premier… Dans un tel contexte, une alternative s’offre à nous : soit oublier Eros pour Philia (joie que l’Autre existe) voire Agapè (l’amour divin et inconditionnel), soit recommencer la même séquence avec un autre partenaire (monogamies successives), les enfants se trouvant alors fortement investis du désir de durée, dans la mesure où le spectre du couple n’est plus celui du joug conjugal mais bien de la séparation…

Deux perspectives au moins pour aborder une problématique concernant le couple :

– Une approche qui consisterait à aborder le paradigme du couple sous l’angle d’un « tout qui serait plus que la somme des parties » et l’on s’oriente alors vers une thérapie de couple, qu’il s’agisse d’une appréhension systémique du couple dont on tente de modifier le fonctionnement communicationnel, ou qu’il s’agisse d’une approche psychanalytique voire psychodramatique ;

– Une approche où l’on considère le couple en tant que rencontre « nécessaire » (au sens de « qui ne peut pas ne pas être » ) de deux singularités : l’approche psychothérapique concerne alors le sujet singulier dans son couple et vise à ce qu’il parvienne, lui, à comprendre ce qui s’est joué le concernant dans la constitution de son couple, à identifier ce qu’il attend de cette relation et à définir les conditions de possibilité/impossibilité relatives à la pérennité du couple.

L’ANXIÉTÉ

Là où la peur constitue une réaction normale et utile à notre conservation (elle permet d’échapper au danger), l’anxiété pourrait être décrite comme une peur “irrationnelle” possédant les caractéristiques cliniques de la peur « normale » : un sentiment d’appréhension associé à des manifestations physiques variables (cardio-vasculaires, respiratoires, digestives, génito-urinaires, neuro-musculaires, neuro-végétatives etc.).

Une réaction disproportionnée…pour les autres

Il s’agit donc d’un état psychique caractérisé par une crainte manifestement illogique ou disproportionnée aux yeux d’un observateur extérieur (le mot « angoisse » décrivant, dans la perspective française, les manifestations somatiques de l’anxiété, bien que de nombreux auteurs utilisent indifféremment les deux termes).

Anxiété “normale” ou pathologique ?

Il est par ailleurs difficile de poser une limite explicite entre une anxiété qui serait normale (en tant qu’expérience tout simplement humaine ne débordant pas le patient) et une anxiété pathologique, au sens où elles sont en réalité de même nature et ne diffèrent qu’en termes de « quantité », pour ainsi dire.
C’est donc la subjectivité du patient qui se sent « envahi » par cette anxiété qui permet de poser que l’anxiété est « pathologique ».

Diagnostic différentiel

L’anxiété peut se apparaitre de manière aiguë (attaque de panique) -avec ou sans idées associées- ou chronique, des symptômes identiques à ceux de l’accès aigu se manifestant alors à bas bruit et s’accompagnant souvent de troubles du sommeil.

Comme pour la dépression, ce n’est qu’après s’être assuré qu’il ne s’agit pas du symptôme d’une affection organique que l’on peut entreprendre un travail en thérapie.Il convient alors d’identifier le type d’anxiété auquel on a affaire.En effet, si l’anxiété est constante dans tous les tableaux névrotiques, elle peut aussi être réactionnelle à un événement identifié comme traumatisant ou encore constituer un véritable équivalent dépressif (qui masque alors le symptôme dépressif).

Il va de soi que la qualité du diagnostic est un élément essentiel à l’élaboration d’un cheminement thérapeutique pertinent.

Depression

LA DÉPRESSION

 Dépression ou dépression ? Comment faire la différence ?

La dépression est un trouble dit « thymique » (de l’humeur), Elle toucherait (source Institut National de Veille Sanitaire) 5 à 7,8 % des Français.

Dépression ou non ?

La dépression associe de manière variable et complexe un trouble de l’humeur, des troubles somatiques extrêmement divers et surtout, signe pathognomonique (qui caractérise la maladie), un ralentissement psychique et moteur en général visible -sauf à ce qu’il soit masqué par une agitation anxieuse.
Il ne suffit donc pas de se sentir triste pour relever de cette maladie. « Déprime » et « dépression majeure » ne sont pas synonymes : seul un diagnostic posé à partir de critères cliniques précis permet de construire une prise en charge adaptée. Ainsi, la souffrance morale -que le diagnostic de dépression proprement dite soit avéré ou non- pourra être travaillée et apaisée…

Si c’est une dépression, laquelle ?

Même lorsque l’hypothèse d’une « dépression » se confirme, encore faut-il préciser si elle est endogène (l’ancienne « mélancolie ») ou psychogène ; et dans ce dernier cas, si elle est névrotique ou réactionnelle.

Imaginons, à titre d’illustration, une personnalité de type phobique (qui manifeste une angoisse démesurée à la vue d’un objet ou d’une situation), de type obsessionnel (qui compte, range, nettoie, ou vérifie tout etc.), de type hystérique (qui aurait besoin d’un public sans jamais parvenir à nouer de vraies relations) : une personnalité « névrotique » comme celles énumérées ci-dessus développe fréquemment une dépression du fait-même du caractère envahissant de son symptôme, qui finit par réduire sa vie à un enfer ou à un désert social…Idem pour des personnalités dépendantes ou « addictives ».

Une telle configuration n’aurait rien à voir avec la dépression d’un patient qui ne parviendrait pas à surmonter un échec, une perte ou un deuil, et ne supposerait par conséquent pas le même type de travail en thérapie.

Et l’on pourrait multiplier ce type d’exemples cliniques à l’infini, soulignant ainsi la nécessité de savoir se référer à une culture en psychopathologie dans laquelle la capacité d’écoute est certes nécessaire mais non suffisante.